Pectoral au nom de Sesostris II. Lapis lazuli, turquoise, cornaline, grenat. Moyen Empire XIIe dynastie. Tombe n°8 d'el-Lâhûn. L. 8,3 cm. Metropolitan Museum
Ce pectoral a été découvert en 1914 par Flinders Petrie dans la tombe de la princesse Sathathor-Iounet (fille de Sesostris II) dans le complexe funéraire de Sesostris II à el-Lahûn.
La technique utilisée pour la réalisation de ce bijou est le cloisonné, une technique maitrisée par les artisans de l'Egypte antique. Le motif souhaité était ajouré sur un plaque d'or puis on soudait de minces cloisons d'or dans lesquelles venaient s'incruster des éléments colorés. On compte pour cette œuvre d’art 372 pièces de pierre semi-précieuse ! La cornaline était extraite par les Egyptiens dans le désert Arabique et la turquoise dans le Sinaï ; par contre, le lapis-lazuli était importé depuis l'actuel Afghanistan.
En haut au centre on lit le nom de couronnement de Sésostris II dans son cartouche (xa xpr ra : « la manifestation de Rê est apparue »). De chaque côté du cartouche royal se trouve un faucons d'Horus qui repose sur un signe chen, le symbole de l’espace universel. Cette composition semble déclarer ainsi la suprématie d’Horus – et de Sesostris II son représentant sur terre – sur l’ensemble de l’univers.
Entre les Horus et le cartouche, deux cobras sont enroulés autour du disque solaire et tiennent la croix de vie ankh. Ils représentent les déesses Nekhbet et Ouadjet, les divinités tutélaires de la Haute et Basse-Egypte dont la fontion essentielle est de protéger pharaon. Ici, il s'agit donc d'un souhait de protection pour le pharaon.
En dessous du cartouche est agenouillé une représentation du dieu Héhé. En tant que hiéroglyphe, la figure de ce dieu aux bras levés signifie " 1 million ". Il tient dans ses mains deux palmes qui en hiéroglyphe veulent dire "année". A son coude est suspendu un tétard, le hiéroglyphe pour le nombre 100 000. L'idée de cette partie est donc un souhait de vie pour un grand nombre d'années renouvelées.
L'ensemble repose sur une ligne de base décorée de lignes en zigzag, le symbole hiéroglyphique pour l'eau. Cette structure est assez récurrente dans l'art égyptien est correspond à l'idéologie mythologique de la création. Cette ligne de base correspond aux eaux primordiales d'où a émergé le butte primordiale qui a formé la terre. L'ensemble du pectoral évoque donc une représentation de l'univers connu, des eaux primordiales en bas jusqu'au disque solaire en haut.
En combinant les différents messages, on peut lire l'ensemble de la composition comme : le pharaon "la manifestation de Rê est apparue" est le représentant de Horus pour tout l'univers et il est protégé des dieux qui lui accordent vie pour assurer sa mission : garantir la création renouvellée pour des années innombrables.
« Avec la religion, l’art et l’artisanat en Egypte antique ont été marqué en retour par la religion et la croyance. La religion est passée du stade d’appui, de pilier, de socle et de source de financement à une source d’influence et de mesure du dogme et des obligations. L’art dans la vallée du Nil est ainsi passé progressivement d’un art spontané, libre et peut être très proche de la nature vers un art religieux. La religion a pris l’ascendance, et l’art est devenu la porte qui s’ouvre sur la propagande et la parole des prédicateurs comme outil de pouvoir. C’est la raison pour laquelle on travaille des images divines extraordinaire, des statues colossales, des représentations de pharaons agenouillé et humble devant le divin sollicitant sa grâce. On utilise l’image pour influencer et faire passer des messages ; il n’y a pas mieux que l’image pour rendre l’inaccessible accessible et l’obscur clair. » (conférence Hazem el Shafei)
«L’art est évidemment porté par la royauté qui représente l’autre pilier à côté de la religion pour commander, financer et récupérer l’art dans un but de pouvoir. C’est ainsi que l’art devient un instrument de pouvoir. Mais l’art est heureux car il bénéficie des finances pour assurer la pérennité et la continuité de l’art. Seulement en retour, l’art perd sa spontanéité et son indépendance et l’art devient outil de propagande. » (conférence Hazem el Shafei)
La description de l'œuvre sur le site du MET museum (en anglais)
Un article sur ce pectoral dans le blog "Horizons d'Aton"
Irondel - le 06 février 2016
Ah oui! Très plaisant cette explication du Pectoral. Très instructif. Maintenant lorsque je regarde à nouveau ce bijou, une lumière de compréhension jaillit et c'est bien plaisant. Un nouveau bijou s'offre à mon regard. Encore et encore.... Grazie tante!